Qu’est-ce que le Web3 ? Est-ce un simple phénomène marketing ou l’internet du futur ? Bienvenue dans l’édition pour les nuls sur le Web3 !
Régulièrement, une tendance technologique émerge et devient une véritable tendance. En 2020, c’était le télétravail et la numérisation de tous les secteurs, en 2021, nous avons eu la folie NFT. 2022 et 2023 s’annoncent comme l’ère Web3. Tout le monde en parle, en discute et cela crée un brouhaha dans lequel il est difficile de saisir ce qu’est réellement le Web3. Dans ce guide, nous allons vous expliquer clairement le concept, quelles sont ses implications, ses avantages et ses inconvénients.
Si on cherche la définition du Web3, Google nous cite quelques définitions préconçues comme: « Le Web3 est un internet décentralisé qui utilise la Blockchain et les NFT« . C’est sûr qu’on n’est pas très avancé quand on lit ce genre de choses même si cette description est un bon résumé. Pour bien comprendre le Web3, il faut d’abord comprendre l’histoire du Web 1.0 et du Web 2.0.
Le Web actuel est une forteresse centralisée
Le Web actuel est magnifique par bien des aspects. Il permet de connecter des millions de personnes à travers le monde au travers de millions d’applications disponibles. Vous avez des connexions internet en très haut débit. Vous avez tout, tout de suite. Le problème est que toutes vos données personnelles sont aux mains de quelques géants, que ce soit les GAFAMs aux États-Unis ou les BATX en Chine, et qu’ils les gardent précieusement dans des forteresses techniques et juridiques.
Et cette centralisation continue de se renforcer en créant des silos de plus en plus immenses. Cela donne aussi un pouvoir considérable à ces géants. Cela pousse certains à dire qu’aujourd’hui, ces entreprises sont plus puissantes que les Etats. De plus, ces forteresses de données personnelles ne servent à qu’alimenter le secteur publicitaire. Donc, les deux principales mamelles du Web 2.0 actuel sont la captation des données personnelles et leur exploitation publicitaire. Autant dire que les utilisateurs et leur pouvoir de décision sont totalement écartés ou ignorés.
Le Web 1.0
Le Web 1.0 est créé en 1989 par Tim Berners-Lee au CERN, car il cherchait un moyen de partager les données des recherches scientifiques. Internet était apparu bien plus tôt, mais le concept du lien hypertexte est créé par Berners-Lee. Internet se base sur le protocole TCP/IP et le Web se basait sur du lien. On a donc eu une combinaison des deux pour former le Web 1.0.
Ce Web 1.0, qui va durer de 1990 à 2004, était en lecture-seule. Les pages web étaient statiques et on pouvait seulement les lire. Il n’y avait quasiment aucune interaction. On pouvait répondre par mail, par des BBS (Bulletin Board System), mais c’était très contraignant et la vitesse de connexion était rachitique.
Le Web 2.0
Le Web 2.0 apparait à partir de 2004 et il continue jusqu’à aujourd’hui. De nombreuses choses vont se produire avec le Web 2.0. La connexion va s’accélérer, permettant de créer des vidéos, des musiques et cela nous donnera aussi l’ère du piratage. Les pages web deviennent dynamiques avec des technologies comme le Flash, mais aussi le JavaScript. Mais surtout, le Web 2.0 est défini par l’arrivée du contenu généré par l’utilisateur (CGU).
Dans le Web 1.0, vous n’aviez que quelques entreprises qui créaient les pages et tout le monde était obligé de les lire et de croire les informations. Le Web 2.0 va permettre à tout un chacun de créer ses pages. Cela nous donnera les blogs, les sites web classiques et évidemment les réseaux sociaux. Facebook est créé en février 2004, Twitter apparait en 2006, Amazon est créé dès 1994 pour proposer de la vente de livres en ligne. Google apparait en 1998.
Les réseaux sociaux sont le coeur battant du Web 2.0, car vous avez des entreprises qui proposent des plateformes et les utilisateurs sont mis en avant par leur contenu. Cependant, la contrepartie est qu’ils doivent fournir des données personnelles. Et les entreprises gagnent de l’argent avec la publicité.
Aujourd’hui, on parle beaucoup des influenceurs, ces personnes qui sont de véritables stars sur les réseaux et Youtube. Mais sans le Web 2.0, ce serait d’illustres inconnus. Ce qui fait que le Web 2.0 est en lecture-écriture. On peut lire des informations, mais aussi contribuer et cela nous a donné de beaux projets comme Wikipédia.
Le Web3
Le Web 3.0 est dans la continuité du Web 2.0. Des services de plus en plus interactifs, une connexion toujours plus rapide, mais le point essentiel est le contrôle de ses données. Ce qui fait que les adeptes du Web3 le définissent comme Read-Write-Own. On peut lire des informations, en créer et on les possède en intégralité.
Le terme de Web3 a été créé par Gavin Wood, le co-fondateur d’Ethereum, en 2014 et en 2018, il publie un article intitulé Why we need Web 3 / Pourquoi avons-nous besoin du Web 3.0 ? Au-delà de l’aspect technologique, Wood nous propose une vision politique de type libertarienne de la technologie.
Il considère que même si le Web 2.0 nous a permis de faire des bonds en avant, c’est un bébé qui a vieilli sans devenir adulte. Il ajoute que chaque technologie a les empreintes de son passé. Et le Web 1.0 a été créé dans une époque où Google était encore une petite organisation, l’Open Source était considéré comme un cancer par Microsoft et on voulait enfermer les accrocs d’internet de la même manière que ceux souffrant d’addictions dures. Et pour Gavin Wood, ces côtés négatifs se sont renforcés avec la montée en puissance des grandes multinationales. La même mentalité s’est perpétuée au fil des décennies et on a aujourd’hui un Web 2.0 qui est cassé par sa conception.
Le Web3, dans sa forme finale et idéalistique, propose un changement de paradigme conséquent. Les navigateurs seront des portefeuilles qui contiendront notre argent et notre identité. Et on n’aura pas besoin de demander à notre banque de faire des paiements à notre place. Le Web3 reprend l’idée d’origine des cryptomonnaies qui est que le Web demande trop de confiance. On doit faire confiance à Google pour qu’il nous livre des informations, on doit faire confiance à Paypal ou à MasterCard pour payer à notre place. L’objectif du Web3 est de coder la confiance.
Les protocoles sont conçus pour exiger le minimum de confiance, car la sécurité et la confidentialité sont codées par essence. On n’a pas besoin de savoir que le paiement est arrivé, la technologie s’en charge. On n’a pas besoin de douter des informations qu’on nous fournit, car les plateformes sont Open Source, transparentes et on n’a pas d’algorithme qui nous dicte ce qui est bien pour nous. L’article de Gavin Wood est intéressant, mais il y a des relents d’utopie qui risquent de déchanter par rapport au chemin pris actuellement par le Web3.
Les 4 grands piliers du Web3
Le Web3 peut se résumer par 4 grands piliers, la décentralisation, sans permission, paiements natifs et le sans confiance.
La décentralisation
La décentralisation va de pair avec le contrôle de ses données dans le Web3. Aujourd’hui, l’un des principaux problèmes sur le web est que l’information est contrôlée par les grands groupes. Et que les réseaux sociaux sont de plus en plus censurés. Ce n’est pas une censure à la soviétique, mais algorithmique. En fait, votre publication peut être supprimée, car elle a utilisé le mauvais mot. Un Web décentralisé est essentiel pour que le débat public reste sain pour résoudre les problèmes structurels de la société et avancer vers un monde meilleur. Si on commence à censurer des opinions qui nous déplaisent, cela ne fera que les masquer et les partisans de ces opinions seront plus radicalisés.
Vous avez déjà des tentatives de décentralisation, notamment sur la vidéo. Par exemple, le projet PeerTube, créé par des Français, permet d’héberger ses vidéos dans ses serveurs et de les distribuer via le protocole BitTorrent. Ce n’est qu’un début, mais en quelques années, alors qu’il n’est développé que par quelques personnes, le projet a pris de l’ampleur.
Vous avez également le protocole LBRY qui alimente le site Odysee qui est considéré comme une alternative de Youtube. LBRY est une Blockchain pour transférer des fichiers et traiter des paiements en cryptomonnaie. La conception est telle que le contenu et les comptes ne peuvent pas être supprimés par l’entreprise. Si les vidéos sont vraiment illégales, alors la plateforme peut les délister en les invisibilisant de son moteur de recherche. Et les utilisateurs peuvent soutenir financièrement leurs créateurs via une cryptomonnaie appelée LBC (LBC Credits). Si vous combinez la puissance de PeerTube et de LBRY, alors vous avez une plateforme de vidéo décentralisée avec des paiements natifs.
La censure et l’interopérabilité
Le principe de la Blockchain est qu’elle est irréversible et non modifiable. Une fois qu’on a créé un contenu dedans, il est impossible de le supprimer et on le voit avec Odysee. Cela nous donne donc une technologie qui est conçue spécifiquement contre la censure. Mais ce qui est génial est que si la Blockchain est en Open Source, alors on peut résoudre un énorme problème du Web 2.0 qui est le manque d’interopérabilité des données.
Pour l’illustrer, on va prendre l’exemple de ce qui est arrivé au site OnlyFans. Non, on ne va pas tomber dans le graveleux, mais en 2021, le site a annoncé qu’il allait supprimer les contenus pour adulte, car les banques refusaient de cautionner ce type de contenu. Après le tollé général, OnlyFans est revenu sur sa décision, mais cela a montré la faiblesse du concept.
Si OnlyFans avait mis les contenus sur la Blockchain, alors il aurait été non seulement impossible de les supprimer, mais les utilisateurs, mécontents, auraient pu télécharger leurs créations dans un format exportable et partir vers des cieux plus cléments. Dans le domaine du Freelancing, cela pourrait être une révolution. Car les Freelancers sur des plateformes comme Fiverr passent des années à bâtir leur réputation, mais leurs données sont verrouillées par l’entreprise. Et s’ils veulent se lancer sur une autre plateforme, alors ils ont obligé de recommencer à partir de zéro. Avec l’interopérabilité des données, leur identité reste intacte et les suit partout dans le royaume du Web3.
De plus, le Web3 permet d’avoir une identité unique et décentralisée. C’est-à-dire que vous avez une identité qui est créée par une adresse Ethereum et vous pouvez vous connecter à toutes les plateformes comme Youtube, Reddit, Twitter sans aucun risque de censure, car ils ne contrôlent pas votre identité.
Paiements natifs et NFTs
Le NFT permet de résoudre le problème monopolistique de la dématérialisation. Cette dernière est une très bonne chose, notamment avec la plateforme Steam qui a révolutionné les jeux vidéo. Mais tous vos jeux vidéo sont liés à votre compte Steam. Si celui-ci est perdu ou suspendu, alors vous perdez tout. La même chose pour Amazon si vous lisez des livres avec Kindle. Il y a quelques années, Amazon a eu un litige avec des éditeurs et il a décidé de supprimer leur catalogue. Le problème est que si vous aviez acheté des livres de ce catalogue, alors Amazon pouvait supprimer vos livres à distance.
En utilisant le NFT, personne ne peut vous « piquer » votre jeu ou votre livre. Ainsi, l’éditeur de jeux crée un NFT de son titre. Vous l’achetez et il vous appartient pour toujours. Vous pouvez le revendre comme vous voulez. La même chose est valable pour les livres.
Les paiements natifs impliquent que c’est votre navigateur qui est votre portefeuille. Et votre argent, sous forme de cryptomonnaie, est stocké dans ce portefeuille. Et donc, vous payez directement sans demander une autorisation à votre banque et à Paypal. Cela permet de résoudre la fracture des paiements en ligne entre les pays riches et pauvres. Du moment qu’une personne, dans n’importe quel pays, peut accéder à un navigateur et une connexion internet, il a accès à son argent sans demander l’autorisation de qui que ce soit. C’est donc sans permission et sans confiance. Ce dernier signifie que vous avez la garantie que le paiement a été envoyé à votre destinataire par la Blockchain.
Au-delà de l’utopie
Si vous êtes arrivé jusqu’ici, alors vous vous dites que le Web3 possède un énorme potentiel pour donner de la puissance aux gens face à des forteresses centralisées et de plus en plus prédatrices. Cependant, il ne faut pas tomber dans l’utopisme béat, car le Web3 est encore balbutiant, mais il évolue à la vitesse de l’éclair.
L’article fondateur de Gavin Wood apparait en 2018 et en l’espace de 4 ans, on a énormément d’initiatives qui sont issues du Web3. Imaginez ce que ça deviendra dans 10 ans ! Il reste encore des défis à relever afin de le démocratiser.
- L’accessibilité – Dans les pays riches, les cryptomonnaies sont adoptés à grande échelle, mais c’est encore le désert dans les pays pauvres. La raison est que les frais de commission sont encore très élevés. Il faut améliorer l’infrastructure numérique des pays pauvres pour éviter une fracture grandissante comme on l’a aujourd’hui avec le Web 2.0.
- La facilité d’utilisation – Pour le moment, le Web3 est réservé aux passionnés de technologie. Il faut savoir coder, comprendre des acronymes complexes et être constamment dans la veille des nouveautés. Le grand public n’a pas encore entendu parler du Web3 et il faut une facilité d’utilisation pour une adoption sans trop d’efforts.
- L’éducation – On a mentionné les a priori par les gouvernements et les médias de masse sur le Web à ses débuts. Ça rend accroc, c’est dangereux, etc. Il a fallu éduquer les gens pour montrer le potentiel du web et aujourd’hui, tout le monde utilise internet d’une façon ou d’une autre. L’éducation au Web3 sera essentielle pour son adoption. Il faudra utiliser des exemples simples et parlants, car c’est un web qui nous incite à changer de cadres mentaux.
En conclusion
Au-delà du Buzz et de l’aspect marketing, le Web3 recèle des potentiels immenses pour donner de la puissance aux individus, le contrôle sur leurs données personnelles et éviter d’être verrouillés par des plateformes prédatrices. J’espère que nous vous avons donné envie de vous intéresser à ce nouveau concept qui continuera à faire parler de lui, car il recèle un potentiel d’émancipation d’une vraie ère numérique. Cependant, il ne faut pas être utopique.
On a vu avec les NFTs que de nombreuses entreprises l’utilisent juste comme « cash grab« . On a aussi vu les abus avec les cryptomonnaies. IL est normal d’avoir des brebis galeuses dans tous les nouveaux secteurs. Par ailleurs, la régulation avec des initiatives comme Mica en Europe arrive Au fil du temps, cela va se stabiliser et nous bénéficierons d’un Web protégé contre la censure, décentralisé et dans lequel tout le monde aura la même liberté de parole et donc, d’actions par la même occasion.